Conditions d’exigibilité de la
zakat
Elles sont divisées en 2 catégories :
A-
Concernant
l’individu : il doit être musulman
1- Les savants
s’accordent, d’un avis consensuel, sur le fait que la zakat est une obligation
pour chaque musulman pubère et responsable (jouissant de sa raison).
Elle n’est pas obligatoire en ce qui concerne le non-musulman car elle
constitue l’un des éléments constitutifs de l’islam et conformément aux propos
de Messager de Dieu saws adressés à Mou’adh ibn Jabal radio lorsqu’il l’envoya
au Yémen : « informe les que Dieu leur a prescrit une aumône relative à
leurs biens, prélevée de leurs riches et redistribuée à leurs pauvres… »
(rapporté par al Boukhari et
Mouslim). Il s’agit donc d’une obligation
qu’on ne peut exiger des gens qu’après conversion à l’islam.
Bien que la zakat soit une charge sociale dont bénéficie
l’ensemble de la société, elle est également un acte d’adoration. L’islam a
donc fait primer le sens de l’adoration, il ne l’a pas exigé du non-musulman.
2- Les savants s’accordent
également sur le fait que la zakat soit imposée aux biens de l’enfant musulman
et de l’irresponsable (ne jouissant pas de sa raison). Leurs tuteurs doivent la
payer en leurs noms et ce :
- Parce que les versets et les
hadiths ordonnant la zakat englobent toute personne riche sans faire exception
de l’enfant ou de l’irresponsable.
- Conformément au hadith du
Messager de Dieu saws : « Faites du commerce avec les biens de
l’orphelin afin qu’ils ne soient pas consumés par la zakat » (rapporté par plusieurs voies se
renforçant les unes les autres dont certaines sont jugées « bonnes »
(hassan)).
- Parce que la plupart des
compagnons étaient de cet avis, dont ‘Amar et son fils ‘Abdoullah, ‘Ali, ‘Aïsha
et Jabir que Dieu les agrées tous.
- Parce que la zakat est un droit
relatif au bien comme l’a évoqué Abou Bakr rad en justifiant le combat
qu’il mena contre les apostats. Or, le droit relatif aux biens est prélevé de
l’enfant et de l’irresponsable, car il concerne leurs biens et non pas leurs
personnes.
Ceci est l’avis des shafi’ites, des malikites et des
hanbalites [1].
B-
Concernant le bien :
Le bien assujetti à la zakat doit
satisfaire aux six conditions suivantes :
1- La propriété complète du bien : il
s’agit de la possession, de l’appropriation du bien d’une manière exclusive, et
du pouvoir d’en disposer, car Dieu a attribué les biens à leurs propriétaires
lorsqu’il leur a prescrit la zakat. Il dit : « Prélève de leurs biens
une sadaqa par laquelle tu les purifie et tu les bénis » (Le repentir
verset 103).
- Pour cette raison, la zakat
n’est pas prélevée d’un bien qui n’appartient à aucun propriétaire en
particulier à l’instar des biens publics et de ce dont la propriété est
générale. Il en est de même pour les biens légués au titre de
« waqf » au profit d’un organisme caricatif. Quand au
« waqf » au profit d’une personne en particulier, il est assujetti à
la zakat selon l’avis probant [2].
- Le bien illicite, c’est à dire
le bien qui est entré en possession de la personne d’une manière illicite, tels
que l’usurpation, le vol, la falsification, la corruption, l’usure,
l’accaparation, la tromperie ne sont pas concernés par la zakat car la personne
ne devient pas propriétaire de ces moyens. Le bien doit être restitué à leurs
propriétaires légitimes. S’il n’y a pas de propriétaire, la totalité du bien
doit obligatoirement être donnée en aumône [3].
- Quand à la dette, s’il s’agit d’une dette dont on espère
le remboursement, le propriétaire du bien (le créancier) doit payer la zakat
sur cette somme chaque année. S’il s’agit d’une dette dont on n’espère plus le
remboursement, son propriétaire se doit de payer la zakat à l’acquittement
effectif sur une seule année (Ceci est l’avis d’al Hassan et ‘Omar ibn ‘Abdil
‘Aziz), sur toutes les années précédentes (Ceci est l’avis de ‘Ali et Ibn
‘Abbas).
2- L’accroissement : le bien dont on prélève la zakat doit être croissant
d’une manière effective ou susceptible d’accroissement. C’est-à-dire, il doit
rapporter à son propriétaire des bénéfices. Le Prophète saws dit : « Le
musulman n’est pas redevable de la zakat en ce qui concerne son cheval ou son
domestique » (rapporté
par Mouslim). Les jursiconsultes
« fouqaha » déduisent de ce hadith que le logement destiné à la
résidence, les meubles, les montures ne sont pas concernés par la zakat car ils
sont destinés à un usage personnel et ne sont pas sujets à l’accroissement. Par
conséquent, le logement dans lequel réside le propriétaire n’est pas soumis à
la zakat. Par contre, s’il possède d’autres logements destinés à la location,
il s’agit de biens croissants assujettis à la zakat si les autres conditions
sont satisfaites.
3- Atteindre le minimum imposable
(nisab) : Le « nisab » correspond à la quantité ou au
montant fixé, à partir duquel le bien est assujetti à la zakat. Si le montant
ou la quantité du bien lui est inférieur, il n’est pas imposable. Ainsi, si
quelqu’un possède par exemple, moins que cinq chameaux ou quarante ovins, ou
moins que deux cents dirhams d’argent, il n’est pas imposable. Atteindre le
« nisab » est une condition qui fait l’objet de l’accord de tous les
savants. La raison de son exigence réside dans le fait que quiconque possédant
moins que le montant imposable « nisab » n’est pas considéré
« riche », or la zakat est prélevée du riche pour faire preuve de compassion
à l’égard du pauvre, et « point d’aumône qu’en situation de richesses »
(rapporté par al Boukhari d’une manière « suspendue », ainsi que par
l’imam Ahmed dans le « mousnad ». Sheikh Ahmed Shakir en dit :
« sa chaîne de transmetteurs est « valide-sûre » (isnad çahih)).
4- Le minimum imposable doit être
calculé après déduction des besoins indispensables de son propriétaire afin de réaliser la condition de
« richesse ». Les besoins indispensables correspondent à ce dont
l’homme ne peut se passer pour sa survie comme la nourriture, les vêtements, le
logement, les outils de connaissances ou de travail, le remboursement des
dettes. S’il possède des biens indispensables pour assurer ces besoins, il
n’est pas imposable et ce, conformément au verset coranique : « Et ils t’interrogent : Que doit-on dépenser ? Dis :
L’excédent de vos biens » (La vache : 219). L’excédent des biens correspond ici à ce qu’il reste
après déduction des besoins de la famille, comme l’énonce la plupart des
exégètes, et conformément au hadith du Prophète saws : « point d’aumône
qu’en situation de richesse ».
Les besoins indispensables englobent les besoins de la
personne ainsi que de ceux dont il a la charge comme l’épouse, les enfants, les
parents, les proches dont la charge financière l’incombe.
5- Le détenteur du minimum
imposable ne doit pas être endetté d’une
dette qui le consomme entièrement ou le diminue, car la primauté, dans le
temps, est accordée au créancier par rapport au droit des pauvres. En effet, la
propriété de l’endetté se trouve diminuée et incomplète, en plus, il fait
partie dans ce cas des bénéficiaires de la zakat en tant que pauvre et
débiteur, or, la zakat n’est exigée qu’en cas de richesse…
Par ailleurs, la dette empêche l’exigibilité de la zakat –
ou diminue son montant en fonction de la valeur – en ce qui concerne les biens
apparents comme le bétail et les produits agricoles, et les biens subtils comme
la monnaie [4]. Pour que la dette empêche l’exigibilité de la zakat ou la
diminue, il faut que sa valeur consomme le minimum imposable
« nisab », et que l’endetté ne possède, en dehors du minimum
imposable et de ce dont il ne peut se passer, aucun autre bien qui pourrait lui
permettre l’acquittement de sa dette. De plus, la dette doit être à échéance
immédiate, car la dette à échéance différée n’exige pas du débiteur un
remboursement immédiat, et par conséquent, elle n’empêche pas l’exigibilité de
la zakat. Enfin, la dette doit être envers une tierce personne. Quant à la
dette envers Dieu, à l’instar des vœux et des actes expiatoires, elle n’empêche
pas la zakat [5].
6- L’année lunaire doit porter sur le minimum imposable : Ceci consiste à ce que le minimum imposable soit en
possession de son propriétaire durant une année lunaire complète. Cette
condition fait l’objet d’un accord en ce qui concerne le bétail, la monnaie et
le commerce. Quant aux produits du sol, les fruits, le miel, les minéraux et
les trésors enfuis, ils n’exigent pas une année révolue, mais leur zakat doit
être acquittée, en une seule fois, dès leur acquisition. L’argument justifiant
l’exigence de l’année révolue en ce qui concerne le bétail, la monnaie et le
commerce, est la conduite des quatre califes, la diffusion de celle-ci parmi
les compagnons, ainsi que le hadith relaté par Ibn ‘Omar d’après le Prophète
saws : « Point de zakat sur un bien à moins qu’une année se porte sur
lui » (rapporté par ad Daraqotni).
Cheikh Fayçal Mawlawi
Traduit par cheikh Moncef Zenati
Simplification
des règles des actes cultuels – Gédis
[1] Pour les
hanafites, la zakat est exigée en ce qui concerne l’enfant et l’irresponsable,
sur les produits du sol et les fruits. Quand au reste de leurs biens, il n’est
pas imposable. Pour les shiites, la zakat n’est pas exigée sur les biens de
l’enfant et de l’irresponsable, mais il est recommandé de la payer si ces biens
sont mis au commerce.
[2] Voir
« al-majmou’ » de l’imam an Nawawi.
[3] « Al
bahr ar-ra-iq » d’Ibn Noujaïm.
[4] Abou Hanifa
fait exception des produits du sol et des fruits. Ash-Shafi’i considère que la
dette n’est pas un empêchement ni pour les biens subtils ni pour les biens
apparents. Quant à Malik, il considère que la dette est un empêchement en ce
qui concerne les biens subtils mais pas en ce qui concerne les biens apparents.
[5] Ceci est
l’avis des hanafites. Pour les shafi’ites, il n’y a pas de distinction entre
les dettes envers Dieu et les dettes envers l’homme, les deux formes de dettes
empêchent la zakat.